Je dois attirer les cons, dimanche matin je buvais mon café à l’hôtel de l’Europe, quand un type s’installe à ma table pour me vendre le pont d’Avignon ! En plaisantant je lui demande s’il me fais moitié prix, mais il avait l’air sérieux, il insiste… C’est bizarre mais ça passe comme ça au Festival d’Avignon. Ca joue tout le temps !A Avignon, le record d’affluence a été battu pour ce long week-end du 14 juillet. Les parades et les distributions de tracts des compagnies du festival Off ont fait leur plein dans le joyeux désordre des rues de la cité des Papes.
Parmi les centaines de propositions du Off, plusieurs spectacles ont déjà été joués à Paris ou lors des précédentes éditions avignonnaises. Alors voici ceux que nous avons déjà pu apprécier.
Seul(e)s en scène :
-Vincent Dedienne dans « S’il se passe quelque chose » : Découvert à l’automne 2014 sur la scène du théâtre du Petit Hébertot à Paris, ce comédien également entendu à la radio (chaque jeudi dans la matinale de France Inter) et vu à la télé (chaque dimanche dans Le Supplément de Canal +) livre un excellent autoportrait à mille lieues du traditionnel stand up. Vincent Dedienne, formé au théâtre classique, ne cherche ni la vanne, ni l’interactivité forcée avec le public, mais se raconte avec sincérité et drôlerie. Un vrai bonheur.
Jusqu’au 30 juillet à 19h35 au Chapeau d’Ebène théâtre
-Noémie Caillault dans « Maligne » : Il en faut du culot et du recul pour aborder sur scène l’expérience du cancer. Cette jeune femme possède les deux et parvient, sans pathos ni voyeurisme, à faire le récit de son parcours contre la maladie.
C’est tendre et cruel, drôle et pudique et tous les personnages qui gravitent autour d’elle, les médecins, la famille et les amis (grâce aux voix off de Jeanne Arènes, Roman Bohringer, François Morel, Olivier Saladin, Dominique Valladié) nous emmènent dans le tourbillon de la vie quand le ciel vous tombe sur la tête.
Jusqu’au 30 juillet à 12h35 au théâtre des Béliers
-Josiane Pinson dans « PSYcause(s) 2 » : Habituée du Off d’Avignon, cette comédienne joue toujours la psy mais cette fois la professionnelle est elle-même en crise existentielle. A l’aube de la soixantaine, elle est comme ses patientes à la recherche des « trompes la mort » contre la solitude et la vieillesse.
Avec subtilité et ce qu’il faut d’humour noir, Josiane Pinson explore avec un certain brio la psyché féminine.
Jusqu’au 30 juillet à 19h05 au théâtre Le petit chien
-Laurent Spievogel dans « Les bijoux de famille »: Ses parents, juifs d’origine ashkénaze, à l’éducation très conventionnelle, l’imaginaient haut fonctionnaire et père de famille : leur fils est comédien et homosexuel.
Voilà plus de douze que Laurent Spievogeln’était pas remonté seul sur scène. Dans le plus autobiographique de ses one-man-show, il ouvre sa boîte à souvenirs, retrouve le petit garçon qu’il était. Un enfant qui, à l’image d’un Guillaume Gallienne, aimait se déguiser en femme, se draper dans un rideau blanc et faire des rêves de gloire. Interprétant tous les membres de sa famille, il transforme, avec élégance et finesse, le folklore familial en réflexion universelle sur tout ce qui nous construit.
Jusqu’au 31 juillet à 19 heures au théâtre Arto
-Cédric Chapuis dans « Une vie sur mesure » : Nominé lors des derniers Molières parmi les meilleurs seuls en scène, Cédric Chapuis entame sa sixième année dans le Off.
L’histoire d’Adrien et de sa passion absolue pour la batterie nous plonge dans le monde candide d’un gamin incompris. Ce duo inattendu entre un comédien et un instrument agit comme un baume délicat et un hymne à la différence.
Jusqu’au 29 juillet (les jours impairs) à 10h50 authéâtre Pandora
Comédie et théâtre :
-« Le cercle des illusionnistes » d’Alexis Michalik: C’est la pièce incontournable, récompensée de trois Molières en 2014, écrite par un jeune et talentueux auteur habitué du Off, Alexis Michalik.
Spectacle enchanteur à cheval entre les siècles et les pays, tournoyant dans l’univers de la magie et des prémices du cinéma, on en ressort avec des étoiles dans les yeux et la conviction qu’Alexis Michalik est promis à un bel avenir.
Jusqu’au 30 juillet à 10h30 au théâtre des Béliers
-« Ça n’arrive pas qu’aux autres » de Benoît Moret et Nicolas Martinez : Si vous redoutez la provocation, l’humour trash et sans limite, cette pièce déjantée n’est pas pour vous. En revanche, si vous voulez vous régaler de la bêtise humaine, façon lutte des classes, vous ne serez pas prêts d’oublier ce fait divers cauchemadesque et drôlissime.
Quand un couple de bobos parisiens visitent la maison à vendre d’un couple de smicards, tout, vraiment tout, peut arriver. Un pétage de plomb digne d’une émission de Strip-tease avec quatre comédiens qui excellent dans la mise à nue des travers de la nature humaine.
Jusqu’au 30 juillet à 17h40 au théâtre des Béliers
SPECTACLES A VOIR AVIGNON 2016
SPECTACLES A VOIR AVIGNON 2016 Dans les rues de la cité des Papes, les parades et les distributions de tracts se poursuivent. Et dans les salles du Off, il y a toujours de belles découvertes à faire. Voici mes dernières, résolument hétéroclites : Pour retrouver son âme d’enfant: Julien Cottereau dans « Imagine-toi » Clown, mime, bruiteur, Julien Cottereau offre, sans un mot, un concentré de rire et d’émotion dont on sort l’esprit léger et le sourire aux lèvres. Sa poésie nous serre le coeur avec tendresse, et sa performance corporelle et sonore (sans le moindre accessoire) nous épate. Avec son chapeau à la Peter Pan (sans la plume) et son costume beige de clown mal fagoté, ce comédien reprend son spectacle « Imagine-toi » qu’il n’a cessé de faire évoluer et nous emmène dans l’imagination sans limite d’un balayeur solitaire. Qu’il joue avec un chien, qu’il tombe amoureux ou qu’il se débatte avec un monstre, la précision avec laquelle il parvient à tout ré-imaginer nous emmène dans un univers enchanteur. Julien Cottereau, dont on lit sur le visage la part d’enfant qui est resté en lui, a aussi le don de faire participer des spectateurs avec une empathie et un charme rares. Dans ce monde de brutes, cet homme est un extra-terrestre à voir (ou à revoir) d’urgence. « Imagine-toi » jusqu’au 31 juillet à 15h10 au théâtre Ninon et « Lune air » jusqu’au 31 juillet à 20h55 au théâtre de La Luna Pour découvrir que le rugby peut se transformer en spectacle : Cédric Chapuis dans « Au-dessus de la mêlée » Nous avions été emballés par son précédent seul en scène « Une vie sur mesure » (également à Avignon). Pour son nouveau spectacle, Cédric Chapuis fait un pari audacieux en choisissant de raconter l’itinéraire de Bastien, poussé par son père à pratiquer le rugby pour « devenir un homme ». Entraînements, compétitions, vie du club, camaraderie, troisième mi-temps, le comédien nous raconte quinze années de vie (de 5 à 20 ans) au Racing club de Brignac et parvient à capter l’attention des plus réfractaires à l’univers du sport amateur, ou du sport tout court. Sa force ? Sa capacité à raconter une histoire faite d’autodérision, d’émotion, d’humanité, de pudeur, voire de candeur. Bien écrit, habilement mis en scène, « Au-dessus de la mêlée » peut paraître parfois naïf dans sa manière de magnifier un sport qui véhiculerait toutes les plus belles valeurs (amitié, engagement, intérêt du groupe, dépassement de soi) mais a le mérite de la sincérité. Cédric Chapuis parle de son vécu, de sa jeunesse sportive, et incarne tous les personnages de cette comédie amicale : les copains, l’entraîneur, le coach physique, le maire, etc. Ce seul en scène, qui mériterait juste d’être un peu resserré (l’histoire du premier amour ralentissant un peu le rythme), réussit le tour de force de transformer une aventure sportive en une aventure humaine qui s’adresse à tous. « Au-dessus de la mêlée, jusqu’au 30 juillet (les jours pairs) à 10h50 au théâtre Pandora Pour rire en chansons grâce aux délires de Constance dans « Gerbes d’amour » Cette fille est dingue. Elle l’avait déjà prouvé lors de ses deux précédents one-woman-show – « Les mères de famille se cachent pour mourir » et « Partouze sentimentale » – dans lesquels elle croquait des portraits de femmes névrosées désespérément drôles. Cette fois, cette humoriste s’est mis en tête de raconter des horreurs en chansons et d’être accompagnée sur scène par la musicienne Marie Reno, aussi grande, brune et impassible que Constance est petite, blonde et survoltée. Résultat : un duo déjanté, mis en scène par l’un des humoriste les plus fou du moment, Didier Super. Avec un culot monstre et toujours le choix assumé – rare sur les scènes d’humour – du déguisement, Constance et Marie se sont donnés pour mot d’ordre de « traiter le mauvais goût avec le bon goût ». Dans « Gerbes d’amour », tout y passe : le viol, l’infanticide, les homme violents, l’alcoolisme…Paroles acides et insolentes, il faut voir Constance raconter une soirée trop arrosée ou dénoncer le racisme anti-picard sur un air de souk ou encore se moquer des rappeurs « les mecs c’est trop des putes, si t’as du cash, ils sont en rute » pour se dire que rien n’arrête la folie de cette fille qui a Nina Haggen pour idole. « Gerbes d’amour », jusqu’au 30 juillet à 22h30 au théâtre Le Paris Pour saluer une performance d’acteur : Brice Hillairet dans « Ma folle otarie » C’est vraiment une drôle d’histoire. Celle d’un homme timide, effacé, à la vie morne et sans éclat, dont les fesses vont soudainement grossir dans des proportions monstrueuses. Cette fable contemporaine, écrite et mise en scène par le prolifique Pierre Notte, tient sa force dans l’interprétation remarquable de Brice Hillairet. Dans la petite salle-chapelle du théâtre des Halles, sans le moindre décor ni accessoire, ce jeune comédien nous emporte dans sa folle aventure. Mal dans sa peau, pataud, il fuit le monde des hommes, aux yeux desquels il est devenu un monstre, jusqu’à trouver refuge auprès d’une otarie et parvenir à briser ses chaînes à l’issue de cette cocasse épopée. Monologue haletant et inventif, tout autant dans l’écriture que dans le jeu, « Ma folle otarie » est l’histoire d’une émancipation, drôle et émouvante, contée par un comédien au panache fou. « Ma folle otarie », jusqu’au 28 juillet à 14 heures au théâtre des Halles Sandrine Blanchard